Avant Fitou, cet été, c’est, par deux fois, vers Faugères que je me suis tourné. Figurez-vous que, comme à Fitou, cela faisait un bail que je n’y avais pas mis les pieds. Pour un des terroirs les plus marquants du Languedoc, un pur schiste qui plus est, j’ai trouvé que ce manque de fréquentation de ma part relevait de la faute professionnelle et devait être corrigé toutes affaires cessantes. Deux voyages éclairs donc cet été, et j’ai comme l’impression qu’il faudra que j’y retourne, que j’y passe encore plus de temps, tant cette appellation recèle de mystères et de trésors cachés.
Le délicieux village de Cossiniojouls dans les vignes de Faugères
Revoir Faugères… Soyons juste, c’est grâce à un confrère allemand, André Dominé, installé depuis plus de 20 ans bien à l’écart de Perpignan dans un de ces villages du bout du monde qui fait le charme du Roussillon, que je m’y suis rendu. André est aussi un ami de Jim Budd, donc, en quelque sorte il fait partie de la famille. C’est une habitude que lui et moi avons prise, que de nous retrouver pour une visite à deux d’un vignoble, sans protocole, donc sans cinoche. L’été dernier, à l’initiative d’André, nous avions atterri à Limoux pour répondre à l’invitation de nos amis Irlandais du Château Rives-Blanques, lesquels avaient rassemblé quelques vignerons complices dans une ambiance décontractée. À Faugères, à notre grande surprise, c’est le Syndicat du Cru qui a pris les choses en main. Au départ, je n’ai pas aimé cette intrusion des officiels. La dégustation fut divisée en deux sessions : l’une dans la cave particulière du Château Chenaie au délicieux village de Caussiniojouls, l’autre dans les murs de la Cave Coopérative de Faugères, le meeting revêtant dès lors la pèlerine du politiquement correct cher à certaines appellations. En fin de compte, ça s’est très bien passé : sur la trentaine de metteurs en marché que compte le cru, seuls sept (Estanilles, Léon Barral, Prés-Lasses, Valambelle, Frédéric Alquier, Jean-Michel Alquier, Abbaye Sylva-Plana), non des moindres… ne se sont pas présentés au rendez-vous pour une raison que j’ignore mais qui m’importe peu.
Il y a pas mal de vigneronnes à Faugères et c’est un bonheur que de les rencontrer. Catherine Roque, dont je fréquente avec assiduité les vins de son Clovallon, un domaine à sa taille à Bédarieux où elle enfante pinots noirs et viogniers (entre autres) depuis plus de 20 ans, est de celles dont le discours vous captive. Ayant laissé les rênes de Clovallon à sa fille, Alix, elle s’est empressée de vivre une autre aventure vigneronne à moins de 2 km de là, de l’autre côté de la montagne, versant sud, côté Faugères où elle s’est installée dans le presbytère du village. Non contente de nous prêter une maison pour passer la nuit, Catherine nous a convié à sa table pour un délicieux risotto. Occasion formidable de goûter in situ les vins du Mas d’Alezon, nom de son petit domaine de 5 ha cultivée en biodynamie. Bien sûr, Catherine nous a fait découvrir ses vignes chéries, dont de très vieux grenaches, nichées à 450 m d’altitude à portée de vue du village de Soumartre en un somptueux écrin de garrigue et de schiste, à 2 km de Faugères. On avait l’impression qu’elle rendait visite à ses enfants.
Pour ceux que ça intéresse, voici quelques commentaires sommaires sur les vins qui m’ont le plus marqué lors de ce voyage éclair. Je n’insiste pas trop sur les robes (elles étaient toutes parfaites) sauf pour signaler un rosé ou un blanc. Honneur aux filles du cru Faugères :
Quelques filles de Faugères... les hommes sont des les vignes.
-Faugères 2007 « La Salamandre », Domaine La Borie Fouisseau de Véronique Vaquer-Bergan. Très joli nez de cuir, sous bois, garrigue après la pluie ; ample, gras, soyeux, puissance bien domptée et fraîcheur en finale. Un grenache mais avec 20 % de cinsault, 10 % de carignan et 10 % de syrah. Ce vin bio commence à être prêt à boire. Environ 10 €. www.laboriefouisseau.com
-Faugères 2008 « Felgaria », Domaine de Cébène de Brigitte Chevalier. Profond et concentré en bouche, le vin fait impression et se conduit langoureusement, de manière équilibrée, jusqu’à une finale café. Avec une forte proportion de mourvèdre (50 %), le reste syrah et grenache, et des vinifications soignées, y compris sur les autres cuvées du domaine, Brigitte, la blonde médocaine, a déjà les honneurs de tous les guides. Compter 20 €. www.chevaliervins.fr
-Faugères 2008 « Grande Réserve », Domaine Ollier-Taillefer de Françoise Ollier (qui partage le domaine avec son frère, Luc). Finesse au nez, franchise et fraîcheur par la suite, équilibre et petits fruits rouges en finale, on sent bien là les vieux carignans associés au grenache (40 %) et à une pointe syrah (10 %). 25.000 bouteilles, 8,30 €. www.olliertaillefer.com
-Faugères 2007 « Tradition », Château des Peyregrandes de Marie-Geneviève Boudal. Nez fin et aguicheur, sensations « frissonnantes » en bouche, on a l’impression d’être proche du raisin en même temps que l’on décèle des notes soyeuses de gelée de mûres sauvages avec une bonne longueur. Carignan à nouveau, mais avec 40 % de syrah, puis 20 % de grenache et de mourvèdre. 6,50 €.
-Faugères 2009 « Les Petites Mains », Domaine de l’Ancienne Mercerie de Nathalie Caumette (qui exploite avec son mari, François). Finesse au nez, plénitude et rondeur en bouche, on devine les tannins en réserve, mais sans excès car ils sont bien mûrs, belle longueur et finale sans défauts. Carignan à 40 %, grenache et syrah pour compléter. Un peu plus de 8 €. Le domaine, en bio depuis 2006, a aussi une superbe cuvée « Couture » en 2008.
-Faugères 2008 « Montfalette », Mas d’Alezon de Catherine Roque. Un nez fin et complexe mélange de tabac blond, garrigue et cassis avec une pointe de fraîcheur. Ample, frais, dense, bien dessiné, tannins discrets, le vin s’achève en longueur sur des fruits sauvages grillés. Mourvèdre, syrah et grenache. 16 €.
-Faugères 2007 « Nos Racines », Château La Liquière de Sophie Vidal-Dumoulin qui dirige le domaine avec l’ensemble de sa famille. Élégance au nez, notes de garrigue à profusion, plein et long en bouche, ce vin est bien marqué par le carignan. 10,50 €. Également une belle cuvée « Cistus » en blanc (probablement le meilleur de l’appellation) comme en rouge. www.chateaulaliquiere.com
Et maintenant, voyons ce que ces messieurs nous proposent :
-Faugères 2008, Domaine Binet-Jacquet de Pierre Jacquet et Olivier Binet. Superbe cuvée d’entrée de gamme, marquée d’emblée par l’élégance de la matière, la fraîcheur aussi, avec ce qu’il faut de sérieux et de densité. 11 €. Syrah et grenache surtout, avec une pointe de carignan. Les deux compères installés sur 9 ha vinifient aussi une très belle cuvée « Réserve ». www.binet-jacquet.com
-Faugères 2008 « Parfums de Schistes », Cave Coopérative Les Crus Faugères. Plus de 100.000 bouteilles pour ce vin issu pour majorité du terroir de Faugères (syrah, grenache, carignan, mourvèdre) à la fois sympathique et fruité, mais ne manquant pas de finesse. 6 €. Encore moins cher (moins de 4 € en GD), le Mas Olivier (2009 comme 2008) fait bonne figure surtout quand on sait qu’il est tiré à 600.000 bouteilles en rouge et 200.000 exemplaires en rosé. www.lescrusfaugeres.com
-Faugères 2007 « Le Penchant du Cerisier », La Grange d’Aïn de Céderic Saur. Dense et serré, marqué par une belle trame et une grande longueur ce vin est magnifique. J’en reparlerai plus en détail car le carignan domine ici à 80 % ce qui n’est pas fait pour me déplaire. Un domaine à suivre de près. 14 €.
-Faugères 2009, Domaine de Cottebrune, d’Arnaud Barthe. Rosé de robe cerise, très équilibré en bouche, charnu, épicé et poivré. Carignan et cinsault en pressurage direct, syrah, grenache et mourvèdre en saignée. 6 €. En rouge, une jolie cuvée « Transhumance ».
-Faugères 2008 « Rarissime », Mas Gabinèle de Thierry Rodriguez. Nez de pierre brûlée, un style puissant, chaleureux et sans concession pour cette cuvée très syrah dotée d’une grande longueur et lancée en 2001. Environ 30 €. www.masdelagabinele.com
-Faugères 2009 « Les Raisins de la Colère », La Tour Penedesses d’Alexandre Fouque. Notes de café au nez, plein de sève, du gras, de la longueur et des tannins classieux pour finir. Terroir d’altitude. www.domainedelatourpenedesses.com
Michel Smith