On aime l’originalité.
Chaque année, l’Université de la Vigne et du Vin de Toulouse organise un colloque autour d’un thème choisi. Cette fois-ci, « le prêt à porter du vin » et « du luxe au discount, où vont les vins ? » fut ce qui fut asséné aux spectateurs de tôt le matin jusqu’en fin d’après-midi.
J’espère que nombre d’entre eux ont tenu le coup, quoique les sujets en valaient la peine, jusqu’à l’après colloque, moment où l’on doit normalement se lâcher.
Post journée ou pré soirée qui trouva le vin en scène avec comme thème le tissu.
Pas la chaussette des blind test, mais les soies douces ou rugueuses qui offrent leur décor tactile aux papilles agiles.
Ma copine Nadine, organisatrice émérite de cette entreprise périlleuse, m’avait demandé d’écrire quelques commentaires… métaphoriques. Je les commis, trouvant l’exercice amusant. Surtout en pensant à tous ceux qui n’apprécieront absolument pas ce genre de prose, la traitant de charabia, indigne des breuvages que l’on boit avec autant de respect. Respect, mon cul ! Mais les fâcheux sont comme ça, et d’autres aussi.
Bref, je vous livre ici deux commentaires, l’un est de Nadine Franjus (Franjus cela ne s’invente pas, surtout qu’elle fut la vigneronne du Domaine Adenis, dont le vin fut plébiscité par la prestigieuse RVF, merci pour elle).
L’autre est de moi, devinez qui a écrit quoi.
Atal Sia 2008 Corbières Boutenac Domaine Ollieux Romanis
Ainsi soit-il ou let it be…
Un nom fataliste pour signifier la non ingérence du vigneron sur le terroir.
Celui de Boutenac, l’excellence du Carignan en Languedoc
Dégusté à 18°
La robe pourpre intense filtre la lumière et jette autour d’elle éclats francs et violine. Dès l’ouverture, la framboise s’égaye avec la mûre, la pêche accueille la poire, la griotte s’impose. Fruits sauvages et fruits délicats dans une corbeille offerte à l’air saturé de soleil. Puis viennent des notes de kirsch et d’épices camphrées, eucalyptus, genièvre, laurier sur des fruits confits. Confit, doux et concentré, qui donne un peu de sérieux à cette bacchanale éthérée.
Belle gourmandise, elle commence le repas par le dessert, puis vous mène par le bout du nez en voyage exotique et sensuel. Du fruit, encore du fruit qui évolue doucement, avec assurance vers une grande tablée où se tient le plat de résistance - un gibier jeune et délicat - dans une sauce épicée aux airelles. On a faim de douceur, de sauvage à croquer à pleine bouche.
La bouche ? Elle est suave, tendre et douce. La promesse des fruits s’étire sur une trame fondue et ample, c’est du velours fin, rouge et dense, riche comme la vigne vieille, fière comme la jeunesse, arrogante dans sa beauté, elle poursuit sa fontaine colorée et odorante en nappant les papilles de sa puissance subtile. Une caresse qu’on voudrait retenir et qui s’échappe pour mieux dévoiler une finale lascive où se mêle réglisse et poivre long.
Jamais vin n’a autant été fruit.
Sélection des cépages à la vigne, Carignan majoritaire, Grenache et Mourvèdre, qui cuvent ensemble, à l’assemblage définitif ajout d’un peu de Syrah. Il peut y avoir de gros écart de maturité d’un cépage à l’autre. Élevage en cuve. Sol galets roulés sur molasses du secondaire.
Atal Sia veut dire « ainsi soit-il » en languedocien et décrit en deux mots l’esprit du vin. www.chateaulesollieux.com
Atsuko 2008 Fitou Domaine Les Mille Vignes (Valérie Guérin à La Palme)
Atsuko, un prénom japonais, une cuvée de Fitou, élevée en cuve, elle reflète l’élégance du Grenache, expression particulière du terroir maritime.
Dégusté à 18°C
Atsuko coule rubis liquide dans le verre.
La voilà au fond du cristal, impatiente d’apposer sa marque sang de pigeon sur la paroi transparente.
Elle attend la première giration pour d’une volte éclatante nous séduire. La soie de l’obi se défroisse et laisse apparaître l’imprimé floral et fruité. Les taches colorées se précisent et révèlent ici la chair délicate de la fraise des bois, là quelques groseilles semblent rouler jusqu’à l’échancrure du bustier ; un trait de résine le ferme juste au-dessus de l’ombre cardamome ; un pétale de rose diaphane se transperce d’un bâton de réglisse, …
Le tissu glisse et la bouche en cœur Atsuko nous dévoile ses charmes.
Va-t-on la croquer où se laisser caresser ?
Trop tard, elle a décidé.
Deux arbouses nous égratignent le bout de la langue. Le satin de sa peau est une friandise voluptueusement sucrée, suavité non sucrée au parfum d’iris, au minéral légèrement salé, qu’elle offre sans hésiter. Quant au fruit, gracile et velouté, son contour diaphane nous fascine. Pièce de boutis au léger rebondi, ajourée d’arabesques parfumées, par trois liserés de réglisse délimitée, elle exhale parfums de framboise, de groseille et de cerise piquée en son milieu d’un grain de poivre.
Autant d’exquise amabilité nous rend esclave d’un fantasme, addiction à la caresse qui hante à jamais notre mémoire, souvenir d’un bout de soie fruitée.
Atsuko sol de garrigue avec travail du sol, assemblage d’une majorité de Grenache, de Carignan et de Mourvèdre, vendange en caisse, éraflage, 30 jours de macération, pigé et remonté, élevage de 11 mois en cuve, domaine de 7 ha. 35 €
Cela s’est passé, hier en début de soirée à l’Université de la Vigne et du Vin de Toulouse, j’attends avec impatience les échos de la réaction du public.
Ciao
Marc