Le vent tourne légèrement jusqu’à sentir le souffle d’un nouvel engouement, celui-ci d’un intérêt grandissant pour les cépages anciens.
Mais, il s’agit d’une préoccupation bien occidentale, dans les ex-pays de l’Est, les cépages autochtones valent moins qu’un pet de lapin aux yeux des consommateurs. Ces derniers ne veulent boire que les internationaux qui nous ennuient de plus en plus. Enfin, qui m’ennuient de plus en plus, sauf en VO dans leur territoire d’origine ou dans quelques rares sols lointains.
Il faut donc des estrangers bien nés, venus avec des idées «actuelles» pour être séduits par des vignes aux noms imprononçables.
Estelle Germain et Cyrille Bongiraud
À l’exemple, ce couple de Bourguignons qui est allé chercher vignoble et cave dans un endroit improbable. Estelle et Cyrille avaient envie de parcelles chargées de vignes anciennes mais avec peu de sous dans l’escarcelle. Leur regard s’est orienté vers moult destinations, avant de s’arrêter sur ce coin d’Europe orientale. Un petit village serbe qui répond au doux nom de Rogljevo constitué essentiellement de caves.
Elles témoignent d’un passé viticole qui connu son heure de gloire durant les ravage du phylloxéra. Le vin de Rogljevo alimenta un temps les carences bordelaises par voies fluviales, ferroviaires et maritimes.
Aujourd’hui il reste à peine 20 ha sur les 400 ha que comptait le village au début du siècle passé. Toutefois, quelques jeunes du pays ont opté pour la vigne, mais pas le Tamjanika blanc ou le rouge Vranac impossibles à vendre dans leur pays, mais pour les Chardonnay, Merlot et autres internationaux.
Estelle et Cyrille ont eux acheté de vielles parcelles abandonnées depuis une poignée d’années avec dessus Vranac et Tamjanika, ou encore un Gamay disparu depuis belle lurette dans le Beaujolais, qui offre de tous petits grains, un jus coloré et un vin des plus fruités, du Pinot, ils en ont aussi, dans la version serbe Burgundac.
Ce dernier entre dans l’assemblage pour moitié avec le Vranac dans la cuvée Istina.
Istina 2008 Francuska Vinarija Rogljevo DOO
Une robe sombre caractéristique de l’autochtone Vranac, un nez qui oscille entre les fruits rouges, les épices et les pantes aromatiques. Une bouche qui remercie l’ajout pour moitié de Pinot Noir, véritable négociateur entre les papilles et le Serbe. Très rustique, il a du caractère ! Du bien trempé, comme on aime, mais il faut néanmoins adoucir ses tanins par quelque jus plus délicats pour apprécier pleinement le tempérament de cet autochtone. Ce sont alors dégringolades d’épices qui relèvent avec maestria les compotées de fruits rouges et noirs, avalanches fruitées qui rebondissent sur le minéral bien affirmé.
Après fermentation, les raisins sont pressés doucement et sont mis en barriques bourguignonnes ou en cuves selon les vins. Le vin passe tout l'hiver sans aucune manipulation. On soutire les vins au printemps, après la fin de la fermentation malolactique. L'élevage dure entre 8 et 14 mois. Puis on met en bouteille si possible sans collage ni filtration.
Dasvidania!
Marc