C’est peut-être banal pour vous, mais, même si je suis horriblement timide et maladroit, j’aime fréquenter la gente féminine. Particulièrement quand elle évolue dans le monde du vin.
Vous pensez peut-être à ce stade que je vais me lancer dans un exercice de style autour du style, justement, des vins élaborés par les dames ? Eh bien non ! Car, vous le savez si vous nous lisez depuis le début, moi-même, aussi bien que mes chers confrères associés et collègues de blog, sommes incapables de tomber dans ce panneau. Si nous aimons les vins dits de femmes, ce n’est pas pour leur féminité supposée. Avant tout, nous les aimons autant que les vins de mecs, je veux dire que lorsque nous goûtons un vin, nous ne cherchons pas à deviner son sexe.
Vous ne me croyez pas ? C’est que vous n’avez rien pigé. Pourtant, rien de plus simple : nous aimons le vin d’abord, son géniteur (trice) ensuite. J’entends le rire narquois de certains suiveurs de blogs. Alors, je vais droit au but et je maintiens que oui, juré, craché, c’est le vin qui prime avant tout. Et puis, zut, pourquoi se justifier ? Ce que j’aime avant tout dans le vin, après l’avoir goûté, aprouvé et déclaré bon, c’est rencontrer son auteur, discuter avec lui, comprendre sa vision des choses, ses rapports avec la nature, avec la vie, sa "philosophie" si on veut employer un grand mot. Attention, j’opère de la même manière – ou presque – avec mon boulanger, mon poissonnier, mon boucher. Si je constate qu’il – ou elle – est en phase avec son métier, qu’il a une réelle passion pour ce qu’il entreprend, qu’il y a cet amour indescriptible du meilleur possible, cette volonté d’atteindre la haute idée que l’on se fait de la chose à produire, alors là je suis conquis à vie ou presque.
Vous me suivez toujours ? Si j’ai encore besoin de me dédouaner auprès de vous, Lectrices et Lecteurs, c’est que je n’ai pas envie que l’on me taxe de vulgaire machiste, même si je dois l’être un peu quelque part…
Bon, arrêtons de tourner autour du pot : j’en reviens à mes copines, Christine et Frédérique, l’une banyulenque et l’autre dijonnaise je crois bien, déjà très amie avec mon collègue Marc. L’une et l’autre entament une nouvelle portion de vie, un nouveau combat en somme. Christine Campadieu reste attachée au Domaine de La Tour Vieille qu’elle a fondé avec son ex-mari Vincent Cantié, un coliourenq pur jus, tandis que Frédérique Vaquer, une bourguignonne que Christine appelle « Fred », a perdu son Bernard un jour de vendanges ce qui ne l’empêche pas de continuer l’œuvre entamée avec lui il y a 20 ans.
Le sourire de Frédérique... celui de Christine est aussi beau !
Vous restez avec moi ? Donc, deux sourires dans ce monde de brutes où l’on ne parle que de grèves : la brune Christine qui voyage souvent vers New York mais qui revient toujours à son port d’attache, Banyuls-sur-Mer ; et la pas-tout-à-fait-brune Frédérique qui fréquente une troupe théâtrale tout en élevant ses deux enfants, Aude et Julien. Vous l’avez compris, cette visite de drôles de dames que je connais depuis longtemps a servi au moins à trois choses : déguster leurs vins d’abord (voir plus bas, les VDN viendront une autre fois), causer d’autres choses que le vin, apprendre à mieux se connaître. Alors merci les filles de cette visite et bravo pour votre initiative.
La récompense en fin de dégustation : cuvée William Deutz rosé 1996. Ces dames étaient ravies...
Les vins de Christine, du Domaine de La Tour Vieille, à Collioure :
-Collioure 2009 « Canadells » : d’une année sur l’autre, même si l’encépagement a évolué vers plus de roussanne et de vermentino avec 20% de grenache blanc et autant de grenache gris, c’est un blanc toujours aussi excitant à découvrir. Ferme, charnu, assez pur, cristallin, ample et long, bien adapté aux poissons de mer, petits rougets en particulier, ou à une cuisine « terre/mer ».
-Collioure 2008 « La Pinède » : avec 30% de carignan, le reste en grenache noir, on avait ce matin là un rouge complètement fermé, dur et austère. Il s’est réveillé au bout de deux jours de frigo, offrant une belle matière alerte, fruitée et fraîche. Un vrai vin de grillades (poissons et viandes) capable de tenir encore 2 ans.
-Collioure 2008 « Puig Oriol » : grenache noir à 60% associé à la syrah, on entre dans un registre plus tannique, ample, très équilibré, riche en matière. Il faut l’attendre au moins 5 ans et le gibier sera bienvenu.
Les vins de Frédérique, du Domaine Vaquer, à Tresserre :
-Vin de Pays Catalan 1985 Blanc de blancs « Tradition » : après un 1986 gras marqué par des notes de noix verte, c’est le millésime d’avant qui l’emporte par sa beauté complexe, son aspect tendu et son côté très sec. À goûter sur des langoustines grillées ou sur un brebis d’Ossau. Toujours étonnant pour un macabeo qu’à l’époque les « experts » recommandaient d’arracher.
-Vin de Pays Catalan 2001 « L’Exception » : carignan et grenache noir à 85%, le reste en syrah, la finesse l’emporte d’emblée, on a de la de l’acidité, de la tendresse aussi, de la longueur et un beau finish. C’est pourtant à boire sans trop attendre et à ne surtout pas mettre en carafe, le vin s’ouvrant facilement dans le verre.
-Côtes du Roussillon Les Aspres 2006 : carignan et syrah à égalité associés au grenache noir (50%), avec 18 mois d’élevage dont 30% en barriques d’un vin, voici le premier millésime de cette nouvelle AOP où l’on devine une surprenante acidité, beaucoup d’élan et de richesse sur fond de fruits rouges cuits. On peut encore le garder 5 à 10 ans.
Michel Smith