On ne compte plus les clubs de femmes dans le vin, les concours de vins de femmes. La femme est à la mode, dans le vin. Le marketing s'en est emparé, les as de cette jeune science de l'à-peu-près s'échinent à trouver des vins qui plaisent à la ménagère, aussi bien par le look que par le contenu. Ils s'imaginent qu'il y a un goût féminin du vin, les chéris - mais ça, c'est une réflexion personnelle que la gente féminine voudra bien me pardonner.
Je suis né à une époque où l'on prônait déjà l'égalité entre les sexes, j'ai eu la chance de faire mes études dans des classes mixtes, j'ai deux filles que j'élève religieusement dans cette idée d'égalité. Je ne suis pas contre les femmes, ou alors, tout contre.
Je sais qu'il faut lutter encore, que le machisme n'est pas mort, que c'est un combat de tous les jours. Comme celui, beaucoup plus général, contre la connerie humaine.
Mais je me demande si la recherche forcenée de l'identité féminine n'est pas contre-productive. Soyons clairs: je ne reproche pas aux femmes de faire bloc pour défendre leur différence, mais je me fiche totalement de savoir si un vin est fait par une femme ou par un homme, de même que je me moque des opinions politiques ou des moeurs de l'oenologue et du propriétaire.
Tous ces clubs me gonflent, de même que me gonfle la féminisation des mots - auteure, gouverneure, etc. Et si encore il y avait une logique: certaines femmes tiennent à ce qu'on leur donne de 'l"Administrateur" ou du "Directeur", plutôt que de "l'Administratrice" ou "Directrice". Allez comprendre...
Au fait, je n'ai jamais entendu les hommes revendiquer la masculinisation des mots exclusivement féminins - à quand le giraf, le fourmi, le souris, le putain?
Mais je m'égare, et cela va certainement me valoir la rancoeur du Beau Sexe.
Peu importe, après tout, car je travaille pour elles: Mesdames, Mesdemoiselles, vos vins valent ceux des hommes, les dépassent même souvent, mais il y a belle lurette qu'on ne s'interroge plus sur vos capacités, pas plus que sur l'existence de vos âmes. Pourquoi vous, pensez-vous avoir encore quelque chose à prouver? D'autant que vos vins sont aussi différents les uns des autres que ceux des hommes entre eux.
Et ne venez pas me parler de vins féminins - c'est une notion aussi éculée que l'accord du rouge et du fromage. D'ailleurs, les femmes que je fréquente aiment les vins puissants...
Hervé Lalau