Lettre à Charles Trénet, membre honoraire de l’AAACA (Association Amicale des Amateurs de Carignans Authentiques) du triangle d’or Perpignan/Narbonne/Carcassonne.
Cher Ami, cher Poète,
Tu me demandes des nouvelles de notre Terre, et plus précisément de ce coin de France que tu affectionnes, je veux dire Carcassonne et environs. Jusque-là, hormis une pléiade de festivals, il ne se passait pas grand-chose de bachique aux pieds des murs de la Cité chère à Eugène Viollet Le Duc. J’ai enfin des nouvelles fraîches pour toi. Grâce, je dois le préciser, à un ami caviste officiant à Limoux (Aude), et à qui tu peux rendre visite (ICI) ou (LÀ). Olivier Zavattin, c’est son nom, m’a fait parvenir l’autre jour un vin extraordinaire que je me suis empressé de goûter comme tu t’en doutes. Il résonne aujourd’hui dans ma tête un peu comme le «Jardin Extraordinaire» qui résiste au béton près de chez moi et que tu as bien connu en ton temps quand tu vivais à Perpignan.
Il s’agit-là d’un Vin de Pays de la Cité de Carcassonne millésimé 2007, Plô Boucarels, titrant 13°. Que peut-il y avoir de si extraordinaire dans ce vin sudiste en diable à la robe soutenue, me demanderas-tu avec raison? C’est drôle, mais avec toi, je fais ce que je ne peux faire avec les autres: les questions et les réponses. Tiens, lis le commentaire griffonné et corrigé trois fois de suite (trois verres, goûtés à trois moments différents et sur trois jours) alors que j’étais à deux doigts de vider la bouteille, seul dans mon coin. Avant que je n’oublie, son prix de vente est de 8,50 € départ cave.
C’est onctueux, savoureux, léger, bien dessiné. Les tannins sont présents : ils tapissent le palais avec suavité. Bref, ils sont très supportables. Le fruit est du genre réjouissant. Il tire un peu sur la myrtille, mais peu importe le détail puisque l’on a la jouissance du plaisir. L’ensemble s’étire longuement et la finale se dessine sur la fraîcheur, avec un côté « je persiste, donc je signe » qui ne trompe pas. Que demander de plus ? Je ne sais pas mais, franchement, cela faisait longtemps que je n’avais pas goûté un Carignan aussi bien foutu !
Du beau travail et une belle surprise, car je pensais que le Carignan avait été arraché de ce côté-là de l’Aude au profit du cabernet, du merlot et de la syrah réunis bien plus rémunérateurs. L’œuvre est celle de Julia Hubrich et de Julien Gil et ces deux jeunes auteurs franco-allemands ne se privent pas de raconter leur histoire, ainsi que celle de leur parcelle de Carignan, ici même.
Bon, maintenant tu vas me demander ce que signifie ce mot bizarre: «Plô». Non, il ne s’agit pas de Domaine, mais plutôt d’un petit plateau agricole en un lieu généralement surélevé par rapport à ce qui l’entoure. D’ailleurs, tu devrais le savoir mieux que moi puisque tu as erré une bonne partie de ton enfance dans ce Sud où tu naquis, ballotté que tu étais entre Narbonne et Perpignan. Je crois bien que du Plô Roucarels (plateau rocailleux) on a une vue d’enfer sur la chaîne des Pyrénées, mais j’ignore en revanche si l’on distingue Carcassonne.
Bref, tout cela ne te donne-t-il pas envie de redescendre un peu vers chez nous? Tu pourrais ainsi prendre ma superbe auto pour filer sur la route de Narbonne en faisant vrombir le moteur jusqu’à l’horizon de Barbeira pour voir de près les tours de Carcassonne, qu’en dis-tu? Bien sûr, si tu le veux, je te suivrais à bicyclette «en freinant bien pour ne pas te dépasser ». Je répète : «en freinant bien pour ne pas te dépasser».
À bientôt
Michel
PS deux cadeaux et un verre de Rivesaltes Aimé Cazes 1978 au talent de Claude Chabrol.
http://www.youtube.com/watch?v=9gt6zqEgxSw
http://www.youtube.com/watch?v=a8xEDLQ_VzQ