’est le mois du Beaujolais, après on en parlera plus, c’est comme ça.
Nous essayerons, nous les 5, du moins, je le suppose, de faire mentir l'adage. Le Gamay c’est bon au printemps, en été, en automne et même en hiver, bref toute l’année.
Là, pendant que vous me lisez, je suis en Toscane avec mes co-blogueurs Jim et Hervé. Mais, avant de partir, dans ma province froide sous un crachin pénétrant, je me suis fait une joie de servir un Beaujolais avec le repas. Il n’était pas primeur, il aurait eu des difficultés face au lapin aux pignons, thym et oignons, concocté façon maison avec amour et distinction. En cocotte, mouillé de vin blanc, relevé de Cayenne, une pointe de lard, les pignons grillés, c’est un met de choix, et pas sec avec ça ! Ce qui est le travers de la chair de lapin.
Donc, cet herbivore juteux, bien estourbi, découpé et cuisiné en sauce, s’avéra délicieux en compagnie d’un Morgon Vieilles Vignes 2009 de Daniel Bouland. Certes, il titrait 13,5° naturel, c’était l’année de toutes les maturités, mais sans chauffe, ni fruité cuit, au contraire, un nez floral de violette presque impériale, au bouquet fourni d’iris qui parfumait la framboise et le cassis. Un régal tout seul, mais c’est toujours plus sympa d’être bien accompagné.
Une combinaison superbe où se mélangeaient épices, moelleux, fruits rouges et noirs, avec une fraîcheur sublime, la fraîcheur c’est important dans un repas, cela donne du tonus, évite la lassitude.
On pourrait me reprocher d’avoir débouché ce VV trop tôt, que ce Morgon méritait quelques années de cave, que cet infanticide n’est guère digne d’un gastronome. Certes, mais quand le vin est bon pourquoi ne pas le boire ?
Il fut un temps où les vins jeunes, non éraflés, non vinifiés comme aujourd’hui, demandaient quelques années avant d’être bus. En fait, ils étaient imbuvables jeunes et il fallait attendre impérativement bien trop longtemps avant d’oser les servir. Souvent, à l’ouverture, on ne pouvait constater qu’une chose, la mort du fruit, asphyxié derrière son claustra de tanins enfin éboulés. Quand on avait plus de chance, on criait au sublime. Ce temps est révolu, vive le vin que l’on peut boire quand on veut !
N’allez pas en tirer la conclusion réductrice que le vin vieux a perdu toute grâce à mes yeux. Que non ! Mais, il y va d’une loterie qu’on n’est pas en mesure de payer chaque jour. Puis, il faut en avoir le goût, aimer ça, et pour cela en avoir une certaine expérience, expérience elle-même construite de hasards heureux.
Voilà beaucoup de conditions pour arriver à apprécier les vins vieux.
J’aime ces vins-là, j’en bois de temps à autre chez un vigneron généreux, chez des amis ou chez moi selon l’assistance. J’écris même de temps en temps quelque article, voire dossier, sur des ancêtres inattendus, telle des vieux rosés qui âgés et bien conservés, c’est une partie de la clé du succès, se montrent baroques, épicés d’orientalisme, rares et précieux ; des Châteauneuf-du-Pape, bien écrit dans son entièreté pour plaire aux sbires de l’appellation, quand j’écris Château9, ils tiquent, donc les vieux Châteauneuf-du-Pape blanc, même âgés de 50 ans restent fringants, complexes et minéraux ; j’ai dégusté un jour des Muscat de Beaumes-de-Venise, les plus anciens avaient trente ans, quel bonheur !
Des vins de millésimes antédiluviens, on peut en boire et en redemander, mais j’ai beaucoup aimé ce joli Morgon, cru du Beaujolais, sur le lapin…
Ciao
Marc