C’était avant les vendanges, cet été. Au large de Carcassonne, en vue de la Montagne Noire. Route de Mazamet, je traversais le Cabardès aux abords du village d’Aragon. Paysages pierreux, bosquets de chênes verts, pinèdes, garrigues, vignes et oliviers. « Domaine de Cabrol » informe la pancarte. Je tourne à gauche et débouche en peu de temps sur une cour de ferme animée. Il y a du monde, quelques stands dressés, une odeur de grillades et une ambiance bon enfant. Cela ressemble à une de ces multiples fêtes qui se déroulent à la belle saison autour du vin, dans le vignoble. Un vigneron, mais ce peut être aussi une coopérative, rassemble d’autres vignerons qui font venir leurs amis et clients, lesquels contactent d’autres personnes intéressées par le vin, et le tour est joué, pourvu qu’il fasse beau et que les mails circulent d’un ordinateur à l’autre, sans oublier Facebook qui joue son rôle de lien social. En période de crise, mieux vaut s’organiser et avoir des idées et des initiatives pour vendre le vin.
Les vignes de Cabrol, le parking et le chien de Claude, "Pumba"
Ainsi donc, j’arrive et je retrouve une bande de vignerons d’autres appellations qui ne me sont pas inconnus. L’ambiance est à la dégustation, l’humeur aux retrouvailles. On jase, on blague, on boit et on crache aussi, parfois. Honneur à notre hôte, le grand (de taille) Claude Carayrol. Un blanc 2008 remarquable (grenache blanc et viognier), un « Vent d’Ouest » 2005 dense, serré, bien dans ses tannins (cabernet sauvignon surtout), un « Vent d’Est » 2007 tout aussi beau, mais en plus spectaculaire (grenache et syrah, avec un peu de cabernet), plus long en bouche. À chaque dégustation, c’est mon vin préféré du domaine. On a déjà deux superbes représentants du Cabardès, capables de tenir encore, à des prix sages : 10 et 13 €. Un peu plus onéreux (18 €), « La Dérive » est une cuvée élevée en cuve qui associe à égalité le cabernet et la syrah, un assemblage qui, de la Provence au Languedoc, donne en général de belles cuvées. Ce 2003 est large et tannique, marqué par un joli fruit probablement dû si je ne m’abuse à la macération carbonique sur la syrah. Même le vin de table, vendu en « bib » à 10 € les 5 litres, est digne d’intérêt et je me demande si ce n’est pas dans celui-là que Claude met tous les cépages exclus de l’appellation, dont de très vieux aramons.
Claude Carayrol, mon hôte, l'initiateur de cette petite fête, devant sa cave du Domaine de Cabrol
Ce qui est intéressant dans ce type d’événement, c’est que l’on rencontre d’autres vignerons venus des appellations voisines avec des vins bien différents. Je commence par goûter les bulles du Domaine J. Laurens à Limoux : la blanquette brut « Le Moulin » (7 €) me plaît bien, mais j’en pince aussi pour le Crémant de Limoux 2008 « Clos des Demoiselles » à 60 % chardonnay, 30 % chenin et 10 % pinot noir.
Jacques Laurens, représentant de Limoux et Gabriel Escande du Minervois
La voisine me fait goûter de bons Corbières du Domaine Sainte-Marie de Crozes, dont un blanc de pure roussanne, gras et joliment fruité en finale, ainsi qu’un rouge « Les mains sur les hanches » 2009, simple, vif et très agréable. Mais à côté, il y a les Minervois de Borie de Maurel. Je commence par un blanc 2009 « La Belle Aude », très belle marsanne rehaussée de muscat : structure citronnée, grande fraîcheur, belle longueur. Gabriel, le fils de Michel et Sylvie Escande, fait goûter les 2008 sans façon, presque à la régalade, tant la demande est forte. La cuvée « Maxime », reste sur la réserve, la cuvée « Sylla », la plus connue, dédiée à la syrah (24 €) est toujours aussi ample et majestueuse.
Raymond Julien, personnage du Minervois
Un autre vigneron du Minervois était présent, Raymond Julien, un gars formidable dont je vous reparlerai pour son carignan. Pour l’instant, je m’autorise à vous dire que son 2009 « Le Rouge de l’Azolle », avec 50 % de cinsault, le reste avec toutes sortes de cépages, est long et soyeux en bouche, avec de très belles notes de fruit. Il ne coûte que 5 € ! Que du bonheur.
Les vacanciers britanniques sont de loin les plus assoiffés !
J’ai horreur de donner des leçons aux vignerons, mais je les incite à monter des petites opérations de ce genre plus souvent. C’est festif, convivial, parfois gourmand avec la présence d’un ostréiculteur de la région ou d’un restaurateur de campagne. Bref, il y a là de quoi convertir bien des gens au vin !
Michel Smith