Michel et Luc, pendant que vous essayez de vous dégotter l’un ou l’autre Xérès, moi, on m’en apporte à la maison. C’est pour le boulot, je vous rassure.
Je ne résiste toutefois pas à vous livrer mes commentaires sur ces oxydatifs et séduisants nectars.
Dry Amontillado Los Arcos
Il a la couleur du tabac mouillé, luisant comme de l’ambre brun à la transparence verdâtre. Le nez torréfié rappelle le charme qui brûle dans l’âtre, les noix grignotées autour du feu, le sel des embruns, la pierre qui chauffe, le caramel des après-midi d’automne, le thé lapsang suong dégusté à petites gorgées. Le charme se rompt en bouche. Les papilles s’attendaient à cocooner, les voilà surprises par la vivacité, la sècheresse du caractère et la force de l’esprit. Provocant, cet hidalgo les violente d’épices, d’iode et de réglisse, glisse sur elle pour mieux les emprisonner dans la gangue subtile de sa complexité. En un instant, les voilà soumises à ce bel amant.
Dry Oloroso Don Nuño
Brun ambré, il a pris l’odeur de son chai. On lui sent l’encens des boiseries, l’iode apporté par le ponant, les caramels croqués par les ouvriers à la sueur poivrée, ce fugace éclat minéral animé par la chaleur vespérale. Les lèvres se lèchent salines, cristal qui demeure sur la pointe de la langue et affûte les papilles. Elles en deviennent inquisitrices et palpent Don Nuño de bas en haut. Vident ses poches des abricots et des amandes qui s’y cachent, lèchent le liseré amer qui suit la dentelle cacao, se rafraîchissent au lime confit qu’il emprisonne entre ses doigts effilés, hésitent un instant devant l’objet à la terminaison sucrée, puis s’abandonne jusqu’à l’extase.
Plus rare et par conséquent plus cher.
Jadis, lorsque les techniques œnologiques étaient balbutiantes ou inexistantes, le classement de départ présentait parfois l’aléa de trouver une barrique d’Amontillado avec la corpulence d’un Oloroso. Le chef de cave apposait alors la marque particulière du bâton coupé d’une barre, palo cortado. Cet intermédiaire au goût particulier se trouve encore de nos jours, mais tiré de barriques anciennes.
Certains affirment qu’avec les avancées technologiques, il n’est plus possible d’en faire. En fait, il ne serait plus possible de rater son Amontillado, donc d’arriver à ce bâtard de Palo Cortado. Certaines Maisons en font encore…
VOS Dry Palo Cortado
Il a 20 ans, cela se voit, son habit brun reflète le vert de l’océan et du temps. Son nez discret distille avec parcimonie des notes de candi, de sucre roux, de mélasse, de caramel brûlé. Si vous n’avez pas compris… la double décennie a aiguisé son esprit. Facétieux, il aime aujourd’hui plaisanter. Bien évidemment, il est tout sauf sucré !
L’ampleur et le volume de sa structure pourrait le faire supposer. Mais, il s’agit ici de caractère capiteux et d’une substance curieuse qu’on appelle glycérol à la viscosité suave, « enrobante », qui piège dans sa gangue poivre, cannelle, cardamome, noisette grillée, éclats de bois patiné, bâton de réglisse, encore milles épices et puis aussi des agrumes confits qui génèrent une fraîcheur bienvenue.
C’est un seigneur, un sage qui en sait d’avantage sur nous que nous sur lui. Accueillez-le sans crainte, il aime prodiguer ce qu’il a appris.
Pour rappel, la vinification des Jerez
Les Jerez sont faits à partir du cépage Palomino qui est vinifié comme un blanc classique. On le fortifie par un ajout d’alcool vinique au moment de l’élevage. Tous sont de type oxydatif, avec des degrés d’oxydation et de complexités fort différents.
Si la Manzanilla, la plus fraîche de la gamme, est à boire dans les mois qui suivent l’embouteillage, c’est la seule ! Les autres se conservent facilement même la bouteille ouverte.
Hasta pronto
Marc