Pour nos amis non anglophones, voici le texte de Jim dans la langue de Molière, ou plutôt, de Messier...
C’est le moment de faire le point. Des caisses de Lafite s’échangent aux alentours de 15.700 euros et celles de Latour pour 13.000. Petrus, Le Pin et Ausone iront certainement beaucoup plus haut. Pensez à un prix et multipliez le par deux, c’est le principe.
Si l’on excepte les bouteilles bues par les millionnaires chinois et autres vedettes du football en mal de sensations après avoir été éjectées du Mondial, les grands Bordeaux rouges sont aujourd’hui surtout achetés au titre d'investissement.
J’ai le plaisir de vous annoncer que pour mieux refléter cette nouvelle réalité, deux vénérables institutions bordelaises, le CIVB (Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux) et l’UGC (Union des Grands Crus) vont très bientôt changer de nom. Le premier juillet, ils deviendront respectivement le Crédit d’Investissement en Vins de Bordeaux et l’United Group Capital.
Actuellement, ces deux organismes planchent conjointement sur un lexique des investissements vineux. Les 5 du Vin ont pu se procurer un avant-projet de ce travail.
Les vignerons y sont à présent qualifiés de créateurs d’actifs (asset creators). Les égrappoirs deviennent des effeuilleurs d’actifs («asset strippers»), en référence aux effeuilleuses de cabaret. A partir de 2011, les dégustations en primeur deviennent la Wine Asset Class Convention, et les critiques vineux sont rebaptisés «analystes d’actifs». Dorénavant, les Second Vins s’appelleront «Dérivés», les Troisièmes et Quatrièmes Vins, «Obligations pourries» (junk bonds).
D’ici à la fin de la décennie, la plupart des 61 Grands Crus Classés seront probablement produits aux fins d’investissement; c’est pourquoi des cours de finance vont être proposés aux vignerons – pardon, créateurs de valeur – qui souhaitent se positionner sur ce marché.
Même si, comme les sardines de la fameuse histoire de Simon Loftus (Anatomy of the Wine Trade: Abe's Sardines and Other Stories), les vins seront rarement consommés, il est crucial qu’ils se montrent à leur avantage lors de la Wine Asset Class Convention, puisque c’est là que les notes des analystes fixeront les prix du marché.
Les actifs présentés en primeur devront avoir une robe profonde, des arômes de moka et de noix de coco, une bonne dose de fruits noirs et de goudron, une structure veloutée et entre 13° et 13,5° d’alcool. On veillera à ne pas dépasser les 14°, car ceci n’est pas du goût de tous les analystes, ce qui peut faire baisser la cotation.
Les créateurs d’actifs veilleront également à ce que leurs actifs aient une durée de vie de 49 ans. Idéalement, ils devraient être parfaits pendant les 49 premières années, puis complètement passés à la fin de l’année suivante – en effet, les actifs ayant une durée de vie inférieure à 49 ans sont classés comme actifs défectibles («wasting assets»), et les gains éventuels à la revente ne sont pas imposables.
Nouveau Premier Grand Cru Classé 'asset generator' en construction
Jim Budd