Après les blancs goûtés à trois ou quatre reprises dans le cours de cette rituelle chronique dominicale, après les classiques rouges qui fleurissent un peu partout pour mon plus grand plaisir, j’attendais que le Carignan fut rosé tout en me disant: « ça n’existera pas ». Eh bien, j’avais tort. Aline Hock, une vaillante et souriante vigneronne belge (de Namur, si j’ai bien pigé) m’a prouvé le contraire. La dame a quitté le service juridique d’une banque par un coup de tête ou plutôt par un coup de foudre pour le vin. Renaud, son mari, l’a laissé s’aventurer à Latour-de-France où elle vit avec ses deux garçons, tandis que lui continue son job au Luxembourg, n’hésitant pas à venir la rejoindre tous les week-ends. C’est beau l’amour…
Aline face à son Carignan rosé...
Rien n’était programmé dans ce parcours vigneron. Les Hock passaient leurs vacances dans le Roussillon quand ils lurent un remarquable article (on n’est jamais mieux servi que par soi-même…) consacré à Lucien Salani dans le hors-série vins de Cuisine & Vins de France. Arrivés chez Lucien le matin pour acheter du vin, ils repartirent le soir ! Classique avec «Lulu», un gars hors norme dont il faudra bien que je vous cause un jour… «J’en avais marre de la banque, raconte Aline. Lulu, à qui j’avais dit en souriant que je me verrais bien vigneronne un jour, m’a dit qu’il était prêt à me former». Ni une ni deux il lui a appris la taille, les vinifications et tout le toutim. Ils continuent d’ailleurs à s’entraider, à travailler ensemble.
En 2009, Aline démarre avec 5,60 ha. Elle vient de racheter une parcelle de vieux macabeo pour totaliser 7 ha aujourd’hui. Elle ne compte pas s’agrandir, d’autant qu’elle fait tout elle-même et qu’elle tient à consacrer le mercredi à ses enfants. Aline en pince pour le Carignan puisqu’elle lui consacre trois cuvées (je vais goûter les autres un de ces quatre), mais celui qu’elle m’invite à goûter provient d’une vigne sur schistes noirs, secteur de Cases-de-Pène, âgée de 35 ans en moyenne.
Notez le bouchon en forme de suppositoire... très tendance par chez nous !
Son rosé 2009 - son premier vin en somme (14 €) -, même s’il en a la teinte (très légèrement mordorée cependant), n’est pourtant pas un rosé stricto senso. Va comprendre Charles… Enfin, c’est en rosé d’aspect, mais pas de goût. Si vous arrivez encore à me suivre, c’est un rosé de repas et de plat principal, pas un rosé d’apéro, d’entrée ou de grillade. Un "claret", ou clairet, dirait-on vers le Port de la Lune. On sent presque en fermant les yeux la texture d’un rouge : c’est dense, gras et ça se complète par de belles notes de fruits confits. Un vin étrange, mais bien équilibré, assez langoureux que je verrais bien sur des langoustines à peine rôties, mais qu’Aline, fort justement, prévoit de servir sur de fines tranches de foie gras mi-cuit sur lesquelles on aurait posé quelques grains de sel afin de provoquer cette folle barcarolle faite de mou et de craquant soutenue aussi par la structure acide du carignan.
J’oubliais le plus important, peut-être : les carignan ont été éraflés puis entonner directement dans trois pièces bourguignonnes de trois vins où la fermentation a pu se faire. C’est stupide, j’ai oublié de demander à Adeline si cela s’était prolongé par un long élevage. À mon avis, non. Mais la bonne chose avec le vin c’est que, par moment, la technique n’a plus d’importance, ou si peu. L’essentiel est que le vin soit là, qu’il se suffise à lui seul, dans sa nudité ou dans son habit.
Michel Smith
Michel Smith 08/11/2010 06:18
Hervé Lalau 07/11/2010 21:23
Luc Charlier 07/11/2010 20:14
marc vanhellemont 07/11/2010 18:59
Luc Charlier 07/11/2010 09:20