Quelle étrange reproche! Dans notre métier, seul l'âge apporte une certaine maturité, le critique apprend en dégustant, il forme son goût, il prend de la bouteille, comme un bon vin.
Seule cette maturité lui permet de ne pas tomber dans les écueils de la jeunesse qui ont pour nom la mode et l'outrance.
Cent fois sur votre langue repassez le breuvage...
La mode, parce que sans recul, on s'enthousiasme facilement pour les faux dieux du vin qui éclosent tous les 5-10 ans. Le boisé, le doux, l'alcooleux, puis le sec, le non boisé, le léger, le minéral, que sais-je encore?
L'outrance, parce qu'on a tôt fait de rejeter ce qu'on ne comprend pas. Ainsi, moi qui vous parle, il m'a fallu attendre mes 35 ans pour commencer à comprendre le monde des vins oxydatifs. Et je n'ai pas fini d'apprendre.
Alors si c'est écrire vieux que d'écrire précis et argumenté, je préfère encore ça que d'écrire mode, expéditif et superficiel. Je reste persuadé qu'un bon article, c'est d'abord une bonne maîtrise du sujet, de son contexte, et que le style, c'est l'homme.
Je suis du temps des plumes sergent-major (OK, la fin, j'ai pu passer au Bic assez rapidement). Pas de celui des textos. Et je m'en flatte.
Quand je lis les dossiers de certains blancs-becs, si sûrs d'eux et de leurs comparaisons à l'emporte-pièce, je me dis que le temps va passer, la poussière se déposer sur leurs pages. Et que si, dans 50 ans, on lira encore la prose d'un Dumay et d'un Chauvet, ou même celle de mon copain, la leur sera oubliée dans deux. C'est d'ailleurs tout le mal que je leur souhaite pour qu'ils puissent continuer leur carrière...
Je n'ai pas tout à fait l'âge d'être un vieux con, mais ça vient doucement. Alors autant que vous vous y fassiez... ou que vous changiez de blog.
Hervé Lalau